08/11/2012

Je ne savais plus trop comment écrire, l'habitude, sans doute, s'était perdue dans les méandres d'un esprit qui vagabondait d'activités en activités. En réalité, ce fut de belles rencontres mais j'avais tout simplement omis de les consigner dans le carnet.
Vide, il tendait à le devenir; vide de tous propos singulièrement intéressants. Non parce que je n'en avais plus envie, mais plus parce que les têtes blondes, brunes et rousses assises face à moi occupaient une (trop) grande partie de mon temps. Ils n'étaient, au fond, qu'un prétexte pour rester face aux livres perdus dans des rayonnages obscures.

08/08/2012

L'homme.

Puis ils sont repartis tous les deux. Porte gauche pour lui, porte droite pour elle. La jeune fille savait que lorsque le moteur démarrerait il n'y aurait plus rien à espérer, que ce moment serait définitivement passé ; alors les mots éclataient  - je n'ai pas envie de rentrer, disait l'homme – si on était des gamins on sécherait – mais ces petits fragments n'empêchaient pas la voiture de filer sur la route qui les menait désespérément vers le retour à la réalité. Arrivés, sortis de la torpeur douce de ce midi, ils ont croisé une autre femme, moins belle très certainement, moins souriante aussi et elle a dit : « Il y a du rapprochement dans l'air ». Alors, forcément, le cœur retourné, les mains moites ; comme prise au piège de son propre sourire éclatant, la fille a pris une grande respiration. Mais elle n'a rien dit. Le simple fait d'arriver avec lui suffisant à la rendre coupable d'adultère par la pensée. Chacun a vaqué à ses occupations. La porte verte s'est de nouveau ouverte. Ils sont allés retrouver leurs amis, ils se sont assis l'un à côté de l'autre comme ils avaient l'habitude de le faire avant le déjeuner. Après tout ce n'était rien. Il n'y avait rien eu. Quelques bribes de phrases échangées. Une autre aurait pu prendre la place, ce n'était pas elle qui était importante, la fille en était persuadée. Alors ils ont continué à se regarder de loin, chacun se persuadant que rien n'arriverait. Qu'être audacieux c'était rester avec son conjoint, qu'être quelqu'un de bien c'était ne pas briser une famille. Toute les histoires de tromperies commencent là, on le sait tous. Il suffit de ne pas ouvrir les yeux et de taire la petite voix qui dit : « tu ne risques rien, tu n'enverras pas de message, elle ne saura rien de ce qui se passe entre midi et deux. Tu seras heureuse. Peut-être qu'un jour il la quittera mais cela n'a pas vraiment d'importance, il ne t'en parle pas d'ailleurs. Elle ne doit plus vraiment exister. Leur couple est en péril. J'en suis sûre. »

17/07/2012

L'homme.

La fille se souvient de la première fois. La porte verte était ouverte, il est entré dans la pièce accompagné de collègues :" Bonjour, je suis. Et je remplace." - on coupera la suite, ça n'a pas d'importance, il pourrait être pompier, médecin ou instituteur, au choix -. Elle a su que ce serait lui, que les derniers mots de sa phrase faciliterait les choses. Les autres ne sauraient jamais ce qui se passerait entre eux. Ces personnes ne seraient que de vagues comédiens d'arrière-plan occupant des rôles peu importants. La fille et l'homme, par contre, auraient le droit à un histoire. Ils partageaient la même activité, il avait besoin d'aide. C'était normal. Il fallait se rapprocher pour discuter des cas préoccupants. Il fallait partir ensemble pour souder les équipes, pour apporter du lien. Oui, un fil ténu qui avait disparu mais que lui souhaitait voir parce que :" c'est comme ça là où je bosse d'habitude". Alternant tantôt le ton paternaliste, tantôt la séduction, c'est lui qui a commencé. Comme on joue avec les allumettes en espérant qu'elles ne s'allument pas trop vite, c'est l'homme qui a de suite vu ce qui pouvait se passer. Ce fut simple. Elle rougissait. Elle bredouillait. Il n'avait qu'à dire deux mots. Premiers signes. Mince. Elle n'avait pas anticipé le battement de cœur. Elle n'avait pas vu que les autres voyaient ce qui se tramait. Puis un midi : "tu vas manger ?", "oui", "on mange tous les deux". Qui a dit quoi? Peu importe. L'ordre des répliques n'a de sens que pour ceux qui vécurent la scène. Ce n'est pas votre cas. Il propose un pizzeria puis un autres restaurant. Le dernier remporte les enchères. Devant la serveuse il minaude un peu. C'est son genre. Assis sur le siège en moleskine, il regarde de l'autre côté de la vitre. On y voit une grande route, un centre commercial, une voiture grise, un couple qui en sort. Sa main tient avec fermeté son sandwich. Son autre main trépigne. Sa bouche dévoile un sourire heureux. La fille est contente : mon premier restau avec lui, dit-elle. Sans doute est-ce un peu idiot, la banquette rouge, le plateau, le gobelet en carton ne sont en rien les codes originaux du premier rendez-vous. Soit, ils sont tous les deux, personne ne peut troubler ce moment. Et même, il avait tenu à l'emmener dans sa voiture, à la sauver d'un repas qui promettait d'être des plus ennuyeux. Viens, je t'emmène. On mange ensemble ce midi. Il joue, elle le sait, il joue à la complimenter, à dire qu'elle est drôle, qu'elle pourrait être celle qui. Il s'aventure dans des contrées que la fille connaît par cœur. Ce pays est illusion. Certitude qu'il doit expérimenter son besoin de plaire encore, évidence que l'homme d'âge mûr ne quittera jamais la suite parentale, les vacances au Pays Basque pour ça. *** in progress***

16/07/2012

Un match.

Il y a des toiles tissées dans la salle. L'odeur âcre, les relents de transpiration prennent à la gorge dès qu'on entre là-dedans. Un aquarium fait d'acier, de plastique, de revêtement synthétique se déploie sous les yeux novices des personnages qui joueront, plus tard, à être des enfants. Au fond, pauvres bêtes demeurées dans le silence, il manque l'accord parfait entre eux et le spectateur. Ce sera une partie bon-enfant; un truc entre nous; un truc pour se défouler. Alors le volant passe très rapidement au-dessus des têtes. On entend la clameur d'un public contenu autrefois dans la chaleur d'un mois de juin agonisant. Déjà, les enfants partent en vacances dans les pays quittés mais adorés. Personne n'admire les bonds tendus de l'homme vers le filet. Eux, jouent, encore et toujours. Raisonnent ici les souffles coupés, les souffles courts des joueurs peu habitués à tant d'effort.Ce barbu-là, oui, regarde, lui. Il court. On sent que son honneur ne doit pas être entaché d'une défaite. Il est plus jeune que son adversaire pourtant il perdra ce match disputé avec ardeur et détermination. L'autre, essoufflé, attendra. S'évanouira presque en me disant :" j'ai réussi". Pauvre.

14/07/2012

Ces corps.

Plus que de sons, les images sont devenues alors ma façon de transcender le réel. Cet homme était alors le sommet de mes désirs. Sans doute qu'avec lui, il ne s'est rien passé. Il est resté, là, tapi dans une mémoire fouillée de spectres dépassés. Sans doute la passion s'est-elle éteinte aussi rapidement qu'elle est venue : le corps n'avait plus de raison de devenir vrai. Je ne peux m'empêcher de penser les corps - et je sais que l'écrire ici est impudique. La médiocrité des corps, ces peaux distendues, appartiennent à un monde que je refuse de voir. Il me faut les épaules larges de l'un, le ventre chaud et lisse d'un autre. Ils construisent, par un grain de beauté, par un poil blanc disséminé dans la barbe, le fil de ma mémoire à tel point que je me souviens des corps avec une précision grandissante. L'été tarde à venir et le sépia teinte ces images, justement. Nous présumions de nos forces, en juin, lorsque nous attendions la pluie. Et maintenant que la terre baigne dans une eau troublée par les giboulées, il nous faudrait plus de soleil. Pauvres humains. Il nous faudrait presque de ces lumières aveuglantes qui empêche d'avancer correctement sous peine d'être ébloui. De tant de beauté. De tant de corps. Avidement dessinés. Avidement photographiés. Ces nuques.

11/06/2012

Mansfield Tya.

 Petite incursion en terres adolescentes : j'ai quinze ans, Charlotte et moi nous écrivons depuis presque une année. Elle a un grain de folie qui me plaît. Puis, elle me fait découvrir Mansfield Tya. Presque dix ans plus tard, j'entre à la Cigale, lieu de tous mes tourments...
"La peur sous les tourments" .
Oui, j'ai eu peur en entrant dans cette salle. Un peu par hasard, il fallait entrer pour découvrir l'unité spectrale des filles qui allaient habiter une scène pendant plus d'une heure.
On entre dans l'univers de ces filles comme on entre dans une rue bondée : il faut se faire sa place parmi le public, il faut comprendre que les voix qui ont habitées mon adolescence sont devenues de vraies personnes, il faut passer des voix du discophone aux personnes. J'avais peur d'être déçue, peur de voir quelque chose qui n'était pas à la hauteur. Et puis, le violon est sorti de sa carapace, le synthé aussi. Elles ont commencé à joué :
"An island is an island"
Tout dans la répétition, les petites ont répété. J'étais sur mon île de douceur, an island is my island. Les gens autour partageaient sans doute ces moments purs. Peu chantait, peu dansait. A croire que tous étaient sur leur île. Alors je me suis dis : " Tomorrow", je verrais ce qu'il en sera.
Parce que Mansfield Tya, c'est le groupe de mes 15 ans et que j'en ai presque dix de plus maintenant.


10/06/2012

Les portraits.

Il a toujours fallu écrire des portraits, peu importe qu'ils soient réaliste ou non, peu importe qu'ils soient sur des personnes croisées furtivement dans le métro ou dans la rue. Ce fut toujours une nécessité parce que ces personnes deviennent des personnages sous ma plume. Je n'ai jamais été fichue d'écrire un roman ou une nouvelle, encore moins des poèmes -je laisse ça aux autres, sans doute plus doués que moi pour noter les sentiments et les vivre - alors la solution offerte aux doigts qui frémissent de prendre l'encre s'est rapidement imposée : il fallait écrire des portraits. Ils vivent, me permettent d'écrire comme la photographie inscrit sa lumière, par détails, par touches. Il fallait parce que sans cela jamais je n'aurais pu vivre correctement, dans le sens, où, jamais je n'aurais observé le monde avec les yeux grands ouverts.
C'est sans doute cela qui explique mon impossibilité à jouer d'un instrument de façon assidue. Un jour, fut un temps ancien, reculé, j'ai joué du piano, pour rire, pour faire plaisir. Mais rien ne m'enlevait des yeux ces magnifiques touches jouant avec la lumière du salon dans lequel je me trouvais. Ainsi, mes souvenirs musicaux sont sans cesse liés aux souvenirs picturaux. Rien n'y fait, ni l'avancée progressive d'une myopie ni même la lumière grisâtre d'une grande ville.