12/02/2010

Le premier pas qui aide.

A l'aube de sa mort (P.R meurt en juin 1960), notre poète livre l'un de ses textes les plus poignants en donnant aux lecteurs des indications sur ses amours profondes. Alors qu'ils avaient brûlé des manuscrits, refusé la publication posthume de sa correspondance, là, enfin, en 1954: nous en apprenons plus qu'en lisant tous les recueils de notes théoriques.
Non sans émotion, j'ai relu ce texte:


A propos de la poésie d'Arthur Rimbaud, Pierre Reverdy écrit Le Premier pas qui aide, en 1954:

Mais ce que je dois à l'un, ce que je dois à l'autre se précise de plus en plus dans mon esprit. Et ça, je n'aurais rien su en dire il y a quelque quarante ans. Aujourd'hui, je me demande ce qu'il serait advenu de moi si, par exemple, Rimbaud, ou plus exactement l'œuvre de Rimbaud ne m'était pas tombée sur la tête et dans les mains juste au moment où je désespérais de trouver jamais le moyen de me décharger d'un tout, qui me plaisaient parce que je n'y cherchais que des images d'une vie plus dense dont la trame nourrissait mon penchant à la rêverie et dont j'abandonnais très vite l'affabulation pour vivre ma propre histoire dont elle n'était plus dès lors qu'un très vague canevas. Mais dès qu'il s'était agi de me mettre, à mon tour, à écrire, rien de ce que j'avais lu, aucun même de mes auteurs préférés, qui étaient des plus grands, n'avait pu m'y aider.
Il n'y avait pas entre l'art d'écrire et mon désir de parvenir moi-même à écrire le moindre point de contact. Et j'avais renoncé. Et longtemps encore après avoir écrit, et même publié, j'ai continué à renoncer et à regretter de ne pas être parvenu à me délivrer de l'obsession par des moyens plastiques.
Ces moyens, je ne les avais pas, je ne les avais pas plus ni moins que les moyens littéraires, je n'avais rien. Et ce que m'a apporté Rimbaud, ce qui, dans l'œuvre de Rimbaud, m'a donné le choc décisif et ce qui importe le plus, longtemps répété, c'est que, pour la première et unique fois, d'ailleurs, je n'ai pas discerné dans son œuvre les moyens littéraires, dont elle est si riche; je suis allé droit à ce qu'elle contenait de substance, ne l'atteignant cependant que dans la plus éblouissante obscurité. Des mots savoureux comme des galets dans le torrent, des nœuds de lianes serrés comme des poings, des écharpes amplement dénouées dans le vent comme des plages. La terre à fleur de peau, la joue creuse du ciel et l'éclat de la chair pour l'œil et le désir dans une déchirure
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Le reste du texte est disponible sur le site de la revue:

Je poursuis aussi ma découverte du poète Gilles Baudry (moine à l'abbaye Saint Guenolé de Landévennec ), mais aussi des époux Maritain (Jacques et Raïssa).

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